6 mai 2152, entre 22h et 00h, Shamrock (Texas)
Je me présente, je suis
monsieur X, et c'est moi qui vous servirai de guide et d'interprète
dans cette folle histoire où s'entremêlent les destins d'individus
dors et déjà perdus, entrainés par la chute de leur époque.
Accrochez-vous, je vous embarque avec moi vers la décadence, un
aller simple sans aucune chance de retour.
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Welcome to Shamrock
Population
51.201 »
Maintenant
l'accueil est assuré par un tas de véhicules carbonisés. Une
muraille encerclant la ville, aussi bien pour la protéger des
rôdeurs que pour y maintenir confinée la déchéance. Cette
muraille est percée de postes frontière, comme pouvait l'être le
mur de Berlin des années avant sa chute, tous étroitement gardés.
La milice privée de l'un des clans influents de la région se charge
de cette tache avec un zèle déconcertant. La règle est simple, si
tu as de quoi payer tu peux rentrer. Mais une fois à l'intérieur tu
n'es pas plus en sécurité, tout est permis tant que ça ne trouble
pas les intérêts des différents clans. Dans le cas contraire un
milicien se fera une joie de t'écraser le crâne.
Si
on devait résumer Shamrock, on parlerait d'abord des nuages de fumée
noire que déverse continuellement la pseudo-raffinerie encore en
état de marche. Puis viendraient ses innombrables bars, tripots et
bordels en tout genre et plus douteux les uns que les autres. Et
enfin, pour finir, l'insalubrité de ses ruelles, l'insécurité
effervescente de ses entrailles. Shamrock est pourrie de l'intérieur,
elle est perdue comme toutes les villes où il reste une activité
humaine, si on peut encore l'appeler ainsi.
Mais
ce soir c'est à un bordel en particulier que nous allons nous
intéresser, le bordel où tout commença pour nos personnages, je
suis sûr que vous avez deviné du quel je veux parler. Oh, oui, ce
soir nous allons poser nos valises au GazolineDolls.
En
cette soirée du 6 mai 2152, l'ambiance y était pesante. L'air
chargé d'électricité n'annonçait rien de bon. La tension était
palpable, elle plongeait la salle dans une anxiété tonitruante.
Personne ne bougeait, mais tous se regardaient en chiens de faïence.
Tous savaient que quelque chose aller se passer mais pour le moment
ils se contentaient de s'observer en ce demandant lequel allait tout
déclencher ou lequel serait le premier à réagir au moment venu.
Les filles étaient nerveuses, elle sursautaient à chaque claquement
de porte, au moindre courant d'air. Le bordel se figeait, la
respiration coupée à chaque fois qu'un nouvel arrivant franchissait
le seuil, comme si d'un instant à l'autre un démon allait le
franchir à son tour. Plus le temps passait plus l’air devenait
moite et se chargeait d’une odeur suffocante, on aurait pu se
croire en enfer avec des remontées olfactives de cadavres en
décomposition mélangées à la sueur des condamnés. Et en effet ce
soir tous seront jugés et condamnés.
Une
rumeur ne mit pas longtemps à courir. Elle se propagea dans Shamrock
comme une traînée de poudre. Ce soir Jill ferait une représentation
unique. Et une telle rumeur ça attire du monde, tout les bras cassés
de Shamrock avaient accouru, comme des junkys autour d'un tas de
came. Et en effet la représentation sera unique mais ce ne sera pas
celle à laquelle on s'attendait, ce ne seront pas les cuisses
dénudées de la belle Jill qui déclencheront des sueurs froides à
notre public.
L'atmosphère
était déjà à son paroxysme quand Eraserhead se mit à jouer. Le
flot de trashindustrial
que déversait le groupe dans les tympans des clients du GazolinDolls
eut l'effet d’un électrochoc. Dès les premières notes la foule
est venue se fracasser contre les grilles de la cage dans laquelle
jouait le groupe. Le sol tremblait sous les pulsations endiablées de
la musique et du public. Le bordel n'avait jamais connut une telle
frénésie. Ce soir plus rien n'avait d'importance, drogues alcool et
armes circulaient dans tous les sens: on aurait pu se croire revenus
au début de l'apocalypse quand tout commençait à partir en vrille.
Au moment où Jill monta sur scène le ramassis de raclures venu
assister au spectacle s'était transformé en une énorme masse
frémissante, se déplaçant comme un seul élément.
Mais
quittons la scène pour nous intéresser à une autre partie du
bordel. Une dizaine de minutes avant l'entrée de Jill sur scène, un
élément non négligeable dans les événement de ce soir avait fait
son entrée. Ce n'était pas un démon, quoi que, qui avait franchie
le seuil du GazolineDolls mais un groupe de motards à l'allure
plutôt poisseuse. Plus crades et immondes les uns que les autres,
tout droit sortis d'un bain de poussière. Leur signe distinctif :
des tatouages et des piercings. Vous me direz que ici c'est monnaie
courante mais un de leurs tatouages les distinguait. Une enorme tête
de mort avec un chiffre sur le front étaient tatouées sur le torse
de chacun. Ils l'exhibaient fièrement avec leurs blousons de cuire
usé jusqu'au trognon ouvert sur leur torse bestial et dégoulinant
d'un mélange de poussière et de sueur. Cette mauvaise troupe était
une habituée du GazolineDolls et avait plusieurs fois fait affaire
avec Bill, elle passait tout les deux trois mois. Ici tout le monde
les connaissait et tous en avaient peur. Leur chef avait une
réputation qui n'était plus à faire: crimes en tout genre,
torture, viol, meurtre et j'en passe, un pur psychopathe sanguinaire
qui tuerait père et mère si il ne l'avait pas déjà fait juste
pour se divertir. Un concentré d'hyper-violence appelé Arxe, que
plus d'un à Shamrock voudrait voir mort, malheureusement personne
n'osera jamais lever la main sur lui de peur des représailles. Mais
ce soir le GazolineDolls accueillait deux nouveaux dans son entre:
l'inconnu à la capuche installé au comptoir, qui n'avait toujours
rien commandé et ce type qui venait depuis une semaine s'installant
toujours à la même place pour voir le show de Jill.
Dès
leur entré monsieur «une semaine» les dévisagea et un rictus de
dégout apparu^t dans la foulée sur son visage jusqu'alors
inexpressif. Alors que depuis qu'il venait s'assoir à cette table
branlante il paraissait perdu dans ses pensées, ce soir il ne
quittait plus des yeux Arxe et ses drouguises. Déjà la joyeuse
troupe commençait à faire des siennes, les filles ne les aimaient
pas trop et pour cause, plusieurs étaient violents avec elles et
c'étaient de gros porcs dans tous les sens du terme. Un d'eux
s'était déjà amouraché d'une des serveuses en jarretelle et fit
valdinguer le plateau qu'elle portait en l'attrapant pour la peloter,
scène qui fit rire tout le monde excepté elle et le client qui
reçut le plateau sur la tête. Une grosse partie de la bande s'était
installée au comptoir et ils y buvaient tous leur sous. Ce qui était
remarquable dans cette époque de désolation c'est qu'on avait beau
être habitué à l'alcool, l'éthanol frelaté qu'on servait dans ce
genre d'établissement explosait inlassablement la tête en deux ou
trois verres. L'état de ces énergumènes allait en empirant, seul
Arxe resté lucide, lui avait sentit, on ne trompe pas un vieux loup,
il savait que ça aller merder et ça le mettait en joie.
Et
ce qui devait se produire se produisit. Un des motards, complètement
déchiré, vient bousculer l'inconnu à la capuche. Celui ci ne
bougea pas d'un cil dans un premier temps, mais l'alcool aidant, le
drouguise d'Arxe revient à la charge demandant des excuses comme si
c'était lui qu'on venait de bousculer. A quoi pensât-il quand
aussitôt dit aussitôt fait, il se retrouva en guise d'excuse avec
les deux énormes bouches, noires et profondes, d'un canon scié
devant les yeux? Ça on ne le saura jamais il n'eut pas le temps de
fermer une dernière fois les paupières, que sa cervelle s'écrasait
contre son pote juste derrière. Juste après l'énorme détonation
du coup de feu, qui couvrit même les slaves musicales de Eraserhead
, le silence fut total, seul le bourdonnement des dernières notes
retombait lentement. Le bordel s'arrêta de vivre le temps d'une
respiration qui dura une éternité pour tout le monde. L'inconnu à
la capuche ne semblait pas bouger, le bras tendu, brandissant le
canon scié qui venait de vaporiser le crâne du pauvre homme. De la
fumé s'échappait des deux canons et du reste de tête, le corps
glissa lentement, seul mouvement de tout le bordel Puis lorsqu'il
toucha le sol tout s'accéléra et repartit de plus belle.