5 mai 2152, peu après midi , quelque par sur la route 66
Bonjour mesdames, mesdemoiselles et
messieurs, et bienvenue pour cette chevauchée du train infernal.
Laissons pour un temps Schamerock et ses querelles de comptoir pour
revenir un peu plus tôt dans l’après-midi si vous le voulez bien.
Allez je vous laisse entre des mains expertes !
Ça fait déjà cinq jour qu'on roule
sans relâche. Cinq jour d'une route qui n'en finit pas, du sable et
de la roche à perte de vue. Et cette poussière, que les roues de ce
satané camion soulèvent sur son passage. En plus de s'infiltrer
partout et de venir me brûler les yeux elle va finir par nous
attirer des ennuis. Un nuage de poussière qui se déplace dans une
étendue où rien ne bouge, il ne faut pas être savant pour savoir
que ça se repère à des kilomètres !
Mais putain pourquoi je l'ai suivie, je
suis trop con. On me l'a toujours dit : Rik tu finiras par faire
une connerie ou te faire tuer si tu ne réfléchis pas avant de faire
affaire. Et voilà où j'en suis maintenant, lancé à vive allure au
volant d'un camion citerne en plein désert avec pour seule escorte
trois voitures renforcées et armées comme des fillettes. Merde
Rik.... putain putain mec tu as vraiment foiré sur ce coup là !
Qu'est-ce qui t'a pris de lui dire oui hein ? Tu aurais pas pu
faire comme tous les autres, lui rigoler au nez, ou même lui dire
non poliment. Toi non il a fallu que tu laisses parler ton cœur. Une
jolie fille vient te voir et te demande de l’accompagner au suicide
et toi tu dis oui sans la moindre hésitation ! Et en plus tu
seras sûrement mort avant que le moindre truc se passe avec elle.
Mais merde j'ai été bercé trop près du mur ou quoi ! Fait
chier ! Fait chier.
« Encore à te plaindre Rik, tu
n'es pas content d’être là avec moi ? Regarde ce spectacle
un peu, cette vue dégagée sur l'horizon sans la moindre
perturbation, le calme plat. Ca ne te laisse pas penseur ?
-Putain on va tous crever et toi tu
t’extasies devant ce foutu désert. Mais atterris Ingoï, on va
tous mourir dans ce foutu désert. C'est même pas sur que cette
route mène encore quelque part et on est visible comme un nez au
milieu de la figure d'un ivrogne, rouge, et qui crie regardez je suis
là !
-Il vas falloir que je le dise combien
de fois c'est Ying-Oi, et personnellement je ne compte pas crever
ici, je n'ai pas fini tout ce que j'ai à faire. Après si tu veux tu
peux descendre maintenant et faire du stop pour rentrer !
-J'en ai rien à foutre de comment tu
t'appelles. J'aurais jamais du t'écouter et te suivre.
-Tu serais presque craquant quand tu
boudes. »
C'est vrai qu'il est mignon quand il
fait cette tête la, avec ses cheveux en bataille, ses lunettes
d'aviateur et son foulard autour du cou. Mais c'est un vrai con,
qu'est-ce qu'il peut être chiant, ça fait trois jours qu'il se
plaint non stop ! Comme s'il était le seul ici à avoir
conscience du danger. Je commence à en avoir plus que marre.
J’espère que la prochaine ville est bientôt, on va manquer de
vivres !
Après cette courte, mais fructifiante
discussion Ying-Oi, resta un moment dans ses pensées, alors que Rik
continuait de vociférer contre tout le monde comme si la terre
entière lui en voulait personnellement ! Le camion continuait
d'avaler les kilomètres inlassablement toujours plus loin toujours
plus loin. Ying-Oi fut tirée de ses pensées par l'un des
mercenaires engagés pour le convoi. Elle ne se souvient plus de son
nom mais cela n'a aucune importance pour l'histoire. C'était l'heure
du changement de poste, à son tour de monter à la tourelle et de
faire la sentinelle.
Elle adorait faire ça, sentir le vent
lui frôler le corps, le sable lui fouetter le visage. Elle se
sentait en vie aux manettes de la tourelle de surveillance. Mais
avant d'y monter passage obligé par la couchette. On ne monte pas la
garde avec juste un bout de tissu sur les seins, elle a beau aimer le
vent et le sable elle n'est pas maso. Après avoir enfilé son
plastron en cuire, mis son casque, ses lunettes et ses gants, elle
était prête.
Elle prit la petite échelle qui monte
à la trappe,directement découpée dans le plafond de la couchette,
celle ci manquait de s'arracher à chaque manipulation mais donnait
accès au double fond de la cabine et à la tourelle. Dès qu'elle
mit la tête dehors le vent la gifla, lui rappelant qu’ici il était
le maître.
La tourelle de surveillance était en
réalité une ville pièce d'artillerie, sûrement une arme lourde
récupérée sur un véhicule militaire et installée là. Un
assemblage de pièces métalliques formait une cage et une structure
pour encaisser le recul et quelques plaques de fer à l'épaisseur
douteuse venaient assurer la protection de l'opérateur. L'opérateur
lui avait un vieux siège de tracteur dont il ne restait que la
structure, l'assise ayant été refaite avec des lanières de cuire !
Une longue vue avait été greffée sur l'arme en guise se viseur.
Elle avait du être réparée un nombre incalculable de fois et
bidouillée pire qu'une mobylette.
La nuit commençait à tomber quand
Ying-Oi aperçu une première traînée de fumée au loin, le temps
de porter son attention dessus qu'elle s'était dédoublée. Son
premier réflexe fut de braquer la longue vue dessus pour voir de
quoi il s'agissait. Après une première tentative qui se solva par
un échec et après avoir nettoyé le verre obstrué par le sable,
elle pu voir à travers le viseur de l'arme une bande de motards
lancés à vive allure dans leur direction. En un rien de temps
l'alerte fut donnée, les trois postes d'arme du camion citerne
occupés et les trois voitures prêtes à livrer bataille.
Finalement Rik avait peut-être raison
tout à l'heure, se dit-elle ? On va peut-être tous y rester.