6 mai 2152 , entre 22h30 et 2h du matin
, Shamrock (Texas)
J'entends la voix de Trent qui
raisonne entre les mur du GazolineDolls. Bientôt je monterai sur
scène, la peur au ventre comme à chaque représentation. Margot est
venue me prévenir que ce soir la salle était remplie comme jamais
et qu'il y régnait une frénésie à glacer le sang d'un lézard.
Les rideaux vont s’ouvrir d'une minute à l'autre, Mike me fait
signe, 1,2,3... c'est à moi.
Je me retrouve projetée sur scène,
mise en pâture à cette horde de rustres, plus barbares les un que
les autres. Fermer les yeux, faire le vide et se laisser aller. Donne
tout ce que tu as Jill, montre leur toute la beauté du monde.
Fluidité et sensualité doivent diriger mes pas.
La musique est mon seul guide. Ma
compagne dans ce moment de solitude. Elle m’entraîne avec elle
dans les profondeurs de l'âme et finit par transcender tous mes
sens. Chaque représentation est un combat, une guerre intérieure
que livrent mon corps et mon esprtit contre la cruauté du monde qui
m'entoure. Ce soir c'est sous les harmonies de suicidal maniac, une
des dernières chansons d'Eraserhead que l’envoûtement prendra
chair.
Les vibrations commencent à venir et
peu à peu je bascule dans un autre monde. Je ferme les yeux et
commence à bouger, plus rien n'a d’importance.
Au moment du changement de mélodie, un
bruit sourd et tonitruant vient mettre un terme à la musique, me
sortant de ma transe.
Dans un premier temps je ne compris pas
ce qu'il s'était passé. Puis mon regard se porta vers le seul
mouvement de la salle. D’abord une silhouette floue, puis la figure
devient nette. Le dégoût me submergea, l'homme n'avait plus de
visage. Il ne restait qu'un amas de chair fumante.
À cet instant je compris que la fureur
allait se déchaîner d'ici peu dans le GazolineDolls et que le pire
était a craindre. Mon regard se tourna machinalement vers la table
de l’inconnu. Je l’aperçus, le regard rivé vers le bar, une de
ses mains glissée dans son manteau et l'autre prête à soulever la
table. Cet homme s'apprêtait à sortir une arme et a l'utiliser,
cela ne faisait aucun doute.
Mike avait senti lui aussi l’imminence
du danger, et déjà il avait surgit de derrière les coulisses pour
me sortir de la scène et de ma léthargie. Son objectif était
clair, me mettre en sécurité coûte que coûte, c'était pour ça
qu'il était payé. Déjà les coups de feu commençaient à
retentir. Bientôt une pluie de plomb allait s'abattre sur le
GazolineDolls.
Avant de disparaître complètement
derrière les coulisses entraînée par Mike, je jetais un dernier
coup d’œil en direction de la cage des musiciens. Je vis l'un
d'eux se faire abattre mais dans la précipitation je ne pus
distinguer de qui il s'agissait. Au fond de moi j'espérais juste que
Trent n'avait rien et qu'il avait réussi à se mettre à l’abri.
Maintenant je cours derrière Mike dans
un couloir menant vers la porte du fond, Margot court aussi, elle me
suit de prés. Les coups de feu sont de plus en plus nombreux, il
font un bruit monstre comme si un orage avait lieu dans la pièce
voisine. La porte du fond, donnant sur la cour entre le bordel et la
maison, n'est plus qu'à quelques pas de nous à présent. Mais un
homme surgit d'un couloir perpendiculaire. Je n'ai pas le temps de
ralentir ou d'avoir peur que Mike lève déjà le canon de son arme
dans sa direction. Une slave de trois coups part sans laisser la
chance à l'homme d’avoir la moindre réaction, l’élan le fait
continuer encore un peu puis il achève sa course contre le mur. Mike
se rapproche, vérifie s'il est bel et bien mort et ramasse son arme,
mais déjà une flaque de sang se forme, grossissant de seconde en
seconde. Je crois qu'il me parle mais je n’entends rien.
-Jill, tu sais te servir ce cet engin ?
Jill putain réveille toi !
Merde tu sais t'en servir oui ou non ?
-Euh...oui.. pardon...
-Alors prends le et sois prête a t'en
servir si tu veux vivre !
Le contact avec l'arme, la froideur du
métal me rappela le temps où Bill nous avait appris à tirer à
Trent et moi. Je m'en souviens comme hier, mon premier contact avec
ces engins de mort.
« Trent, je veux que toi et Jill
appreniez à vous servir de flingues, on ne sait jamais ce qu'il peut
arriver et il faut que vous soyez capables de vous défendre ! »
Durant des années on avait appris à
se servir de plein d'armes différentes. Bill était un passionné
d'armes bien que n'en portant jamais, il en avait une collection
impressionnante. J'ai toujours détesté toutes ces armes jusqu'au
jour où j'ai trouvé celles qui me convenaient, les armes de tir de
précision. Il parait même que je suis plutôt douée pour ça mais
jamais encore je n'ai tiré sur quelqu'un. Et puis je déteste le
contact froid du métal, il est trop proche de celui des barres de
danse. Mais Bill a su me trouver celle qui me correspond
parfaitement, un vieux fusil d'un autre temps. Une arme soviétique
d’après ce que je sais, dérivé des AK, qui est presque la seule
arme dont la production continue. Il me l'a offert pour mes 14 ans,
un dragunov.
Mais l'arme que j'ai dans les mains est
loin d’être ma préférence, un pistolet mitrailleur ingram.
Mike est en train d’ouvrir la porte,
j’espère que la cour est vide. Il y a des bruits de pas derrière
nous, quelqu'un arrive, je dois me préparer à tirer.